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21 octobre 2012 7 21 /10 /octobre /2012 17:40

 

Cette semaine, nous avons fêté la Saint Luc (qui était médecin avant d’être évangéliste) avec une pensée toute spéciale pour tous ceux d’entre vous qui travaillent dans le monde de la santé. 

Nous profitons de cette occasion pour vous dire quelques mots du moine de Tibhirine le plus connu dans la région de Médéa : frère Luc, le médecin, « Frèlou » comme l’appellent les Algériens. (N’hésitez pas à aller sur le site des moines qui vous donnera d’autres indications.)


photos-Didier-1970--6-.jpg

 

Combien de fois entendons-nous : « J’ai été soignée par frère Luc », « Mes parents venaient voir frère Luc », « Ma mère, m’a amené ici, quand j’étais petit, pour me faire soigner par frère Luc », « J’ai accouché avec frère Luc », « Frère Luc m’a soigné »  et nous avons aussi quelquefois : « J’ai travaillé avec Paul Dochier », « Paul Dochier avait un excellent diagnostic » …Là ce sont les médecins et pharmaciens qui s’expriment.

Nous avons eu la question  « Etait-il vraiment médecin ? N’était-il pas un marabout ? » Devant notre réponse, cette femme a ajouté : «  Pourquoi les médecins ne nous guérissaient-ils pas et lui il nous guérissait ? »


Paul Dochier est né « à l’aube du premier conflit mondial »[1] le 31 janvier 1914. Il soutient avec succès sa thèse de docteur en médecine le 4 avril 1940 à Lyon puis termine ses obligations militaires dans le sud marocain, ce qui lui donnera l’amour du Maghreb..

« Libéré des obligations militaires le 7 décembre 1941, il entre alors complètement dans la vie monastique à Aiguebelle ; … le 3 décembre 1942 il prend l’habit de frère convers, auquel il restera attaché toute sa vie, choisissant de le rester même après les évolutions post-Vatican II. Mais, s’étant porté volontaire pour aller remplacer un médecin père de famille nombreuse dans un camp de prisonniers en Allemagne, il part le 26 avril 1943 pour l’Oflag VIA, dans la Ruhr, où son beau-frère, Charles Laurent, est également prisonnier. Au cours de cette captivité, il soignera particulièrement des prisonniers russes allant jusqu’à partager avec eux une quarantaine pendant une épidémie de typhus dont il sera lui-même atteint.

Le 5 juillet 1945, libéré, il rentre en France et, après un mois dans sa famille, retourne à l’abbaye d’Aiguebelle. Après avoir prononcé ses vœux temporaires le 15 août 1946, il est envoyé à Notre Dame de l’Atlas, « fille » d’Aiguebelle. Il arrive en Algérie le 28 août 1946, jour de la Saint Augustin. »[2]Groupe-venu-d-Aiguebelle-sept1946.jpg

 

Luc participe à la vie du monastère  par différents travaux ; le soin des cochons et la cuisine ; mais, très vite, « il s’occupera d’un dispensaire tourné vers la population pauvre et sous-alimentée,  allant même soigner dans la campagne, au moins au début lorsque sa santé le lui permettait. Le 15 août 1948, à Tibhirine,  il fait profession solennelle comme frère convers. »[3]


Groupe arrivé d'Aiguebelle en 1946

Frère Luc est au 2ème rang, à droite

 

Il commence ses consultations et sa renommée se répand dans la région. Simultanément « il réalise pratiquement des enquêtes sanitaires sur l’état des populations à cette époque »[4]

plaque (Copier)

 

Le 19 mars 1953, devant les médecins de la Société médicale de Saint Luc à Alger, il fait une conférence intitulée : « Aspects médico-sociaux et religieux des salariés agricoles et de leur famille de la région de Tibhirine ». Pendant la guerre d’indépendance, il est enlevé avec le frère Mathieu par l’ALN en représailles de l’arrestation par l’armée française et de la mort d’un imam de Médéa pro-FLN. Souffrant d’asthme, les deux semaines de cet enlèvement sont pour lui une très dure épreuve physique et morale même si ils sont finalement libérés sans avoir subi de violences autres que d’aller de caches en caches dans la montagne. »[5]

Jusqu’en 1996, date de son enlèvement, il consacre toutes ses forces, parfois vacillantes, au soin des personnes qui se pressent au dispensaire tout au long de la journée.porte-du-dispensaire--Copier-.JPG

 

 

Entrée du dispensaire

 

 


Le 21 mai 1999, à l’occasion du troisième anniversaire de la mort des sept moines, le moine cistercien Ventura évoque la mémoire de Frère Luc en ces termes :

 

« La multitude des pauvres et des malades se pressant chaque jour à la porte du monastère lui donnait – lui qui souffrait souvent d’asthme - un aspect pensif, presque triste : « sa plus grande souffrance n’était pas la sienne, mais celle de ne pas pouvoir venir en aide aux autres qu’il voyait dans la détresse. Les derniers temps, c’était une des raisons pour lesquelles il voulait s’en aller. » (Fr. Jean-Pierre) Il profitait des longues nuits d’insomnie, étant donné que son asthme l’obligeait à dormir assis, pour lire ; il était sans nul doute celui qui lisait le plus dans la communauté et on reconnaissait en lui la sagesse et l’autorité de l’ancien.

« Frère convers » par vocation et de cœur (travail, prière et service au frère), ce qui lui donnait une grande liberté de mouvement puisqu’il n’était pas obligé à la prière au chœur où il se rendait rarement, de même ni aux réunions communautaires.[…]

 

Ce que j’apprécie le plus chez lui, c’est l’image tendre de Dieu qu’il nous a laissée ; il parle de « la magnifique injustice de l’amour », « d’être baigné dans sa tendresse », du « grand miséricordieux et grand pardonneur » ; « la mort, c’est Dieu » ; « la confiance en Dieu est une des qualités principales des chrétiens » ; « je vais frapper à la porte sans crainte d’être importun », etc.

Fr. Luc souffrait de voir tant de souffrances, souffrait dans son propre corps de l’asthme depuis des années et souffrait beaucoup de voir qu’une partie importante de la communauté ne voyait pas de bon œil son ministère de docteur, en le considérant comme chose d’extra-monastique… Et, malgré tout : « Au soir de ma vie, je ne regrette rien… Le rôle que j’ai joué ici-bas a été très effacé, j’ai été le dernier des mendiants. Pendant cinquante ans, j’ai vécu au milieu des pauvres et des écrasés de la vie. ». « L’enfant prodigue qui espère ouvrir une bouteille de champagne le jour même de laisser ce monde avant de boire le vin du royaume »…P2250254.jpg

   Une phrase de lui résume ses dernières années :

Ma présence ici n’est pas nécessaire mais peut être utile. Le 31 janvier 96, j’aurai 82 ans, je suis malade, cœur et poumons, mais tant qu’il reste un peu de jour, dans un contexte difficile, je me dois aux autres – aussi je ne peux quitter Tibhirine. « Que ton règne vienne ». Il ne faut pas rechercher ce qui est « sien ».


Frère Luc continue d’attirer … ils sont très nombreux à venir faire mémoire de « Frèlou » !20121011 (41) (Copier)

20121007--85---Copier-.JPG 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Merci à P. et F. Laurent pour les photos anciennes

[1] « Frère Luc, la biographie », Christophe Henning et Dom Thomas Georgeon, 2011, Ed. Bayard, 215 pages.

[2] Site<http://www. moines-tibhirine.org>    dans: les frères/biographie des moines

[3] Ibid.

[4] « Frère Luc, la biographie »,.

[5] Site moines de Tibhirine biographie des moines

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commentaires

J
merci pour cette rétrospective intéressante de la vie de frère Luc si donné aux pauvres de la région en étant malade lui même++quel souci des autres il avait..
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M
voilà aussi qques jrs que j'attends vos superbes et vivants reportages de votre enrichissante mission! merci , merci de nous faire partager; et ce jr , le beau recit sur frère Luc... bonne<br /> continuation à vous
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B
Quelle coïncidence ! Voilà deux-trois jours que je guette votre nouveau message... et ce matin, belle surprise ! Et en plus, vous parlez de Frère Luc... il me tarde de lire la biographie que vous<br /> citez et que j'ai entendu en petites parties à Landévennec...<br /> Merci, une fois encore, pour votre art de nous faire partager ce que vous vivez... dans ma prière, je ne peux oubiler ce lieu et toutes les personnes qui y sont attachées... ces jours-ci, j'y<br /> associe le Liban, sans oublier Haïti...<br /> Bonne suite de mission.<br /> Je vous embrasse.
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